Geneviève soupira puis leva les yeux à l’horloge au mur du dortoir. Deux heures du matin. Et pourtant, elle n’arrivait toujours pas à fermer l’œil. Découragée, elle se leva. Les autres occupantes dormaient à poings fermés, ou du moins, elles le semblaient (hj : message subtil aux intéressées…
). Geneviève soupira une seconde fois et alla s’asseoir au bord de la fenêtre. S’ils étaient encore l’an passé, Kwaï aurait volé jusqu’à elle. Elle aurait alors ouvert la fenêtre pour le laisser entrer, puis il se serait posé près d’elle. Alors, elle aurait caressé son doux plumage fauve, plongé ses yeux foncés dans les grandes prunelles dorés de l’animal, et aurait oublié tous ses soucis. Mais Kwaï continuait de l’éviter depuis leur arrivé à Poudlard. Pourtant, ce qu’elle lui avait fait n’était presque rien. Pourquoi alors lui tourner dos aussi longtemps?
La métisse soupira de plus belle. Il y avait tant de choses qui se bousculaient dans sa tête depuis… depuis… depuis tellement longtemps en fait. En y repensant bien, les seules fois où elle avait été vraiment sereine, c’était au Canada. Dans sa tribu. Avec les siens. Son entrée en Angleterre avait été le début des regrets et de la nostalgie. Car c’était bien ce que vivait continuellement Geneviève, elle s’en rendait bien conte maintenant. Toujours à revenir au passé, à se reprocher toutes ces choses, toutes ces paroles qu’elle avait dit, tous ces gestes qu’elle avait fait. Les valeurs se brouillaient, elle ne savait plus que penser. Toujours à cacher ce qu’elle était vraiment. Et quand elle s’affirmait trop, cela tournait en désastre à chaque fois, et un autre regret se rajoutait à la liste. Elle gardait donc tous pour elle-même, dans sa tête, dans son cœur, ne montrant qu’une façade neutre et froide. Dans le fond, ce n’était qu’une sale menteuse. Elle mentait à ses proches, mentait à ses camarades, mentait aux professeurs… et se mentait à elle-même.
- Qui suis-je donc? demanda-t-elle au vide, à voix basse.
C’était affreusement cliché, mais c’était exactement la question que ce posait Geneviève Aubuchon. Qui était-elle vraiment, au font de son cœur, derrière le mur de glace et de questions? Dehors, la première neige se mettait à tomber. Les flocons virevoltaient dans la faible brise glaciale du soir. L’adolescente les regarda tomber en silence, toujours prise dans ses sombres pensées. Noël approchait. Que faire cette année? Celui lui était soudain bien égale. Partout comme ici, cela allait revenir au même : les fantômes de son esprit allaient la suivre, peut importe l’endroit.
Aller chez son père ne l’enchantait guère, mais il y avait sa mère. Et puis son petit frère. Mais si elle quittait l’école et qu’une nouvelle bataille se déclenchait pendant son absence? Elle ne pouvait pas abandonner Lestat, Catherine et Léane. Mais… Ceux-ci souhaitaient-ils vraiment de son aide? Toutes ses interventions n’avaient menées à rien, ou presque, et avaient immanquablement tournées au vinaigre. Et puis, son caractère n’était pas ce qu’il y a de plus joyeux. En fait, elle avait aussi remarqué qu’ils lui reprochaient, en silence bien sûr, de se conduire comme un leader. Et puis, pourquoi voulait-elle donc tant se mêler de ce qui ne la regardait pas? Eva le lui avait clairement fait comprendre, Meeky tout autant. Si elle arrêtait tout, elle aurait la sainte paix, comme elle l’avait toujours voulut.
Mais il y avait toujours un mais à chaque fois. Que faire? Que choisir? Elle était déchirée entre deux caractères contraires qui l’habitaient. Et puis, une sorte d’intuition qui lui disait que si elle lâchait tout, elle le regretterait éternellement. Mais peut-être que si elle continuait, elle le regretterais tout autant… Quoi faire? Quoi faire? Pourquoi était-ce si difficile pour elle? La métisse se frappa le front contre la vitre, furieuse contre elle même. Chaque fois c’était la même chose. Elle se questionnait, lasse, démoralisée, triste, puis finissait toujours par se haïr à la fin. Allait-elle toujours vivre ce cercle vicieux qu’elle s’imposait elle-même? Et comment s’en sortir?
Geneviève se leva. Plus que jamais, elle sentait le besoin de se confier à quelqu’un, chose qui ne lui arrivait jamais auparavant. Mais qui? Qui était la personne en qui elle avait le plus confiance? Une personne qui l’avait soutenu dans le passé, qui lui avait prouvé sa bonne volonté… Un nom lui vint aussitôt en tête. Un nom qu’elle avait tenté d’oublier. Une personne qu’elle avait longtemps évitée, à cause de sa stupide peur de l’amitié… Non, il devait dormir à cette heure. Et elle ne connaissait pas le mot de passe de la salle commune des Serpentard, ni son emplacement d’ailleurs. Mais elle devait lui parler, et maintenant. Geneviève se connaissait bien : si on lui laissait trop de temps à hésiter, elle allait se refermer comme une coquille.
Même si son comportement était totalement insensé, même si elle risquait de s’attirer des ennuies, l’apprentie sorcière quitta le dortoir à grands pas, traversa la salle commune, passa le tableau de la grande dame, et se dirigea vers les cachots.