Un rayon de lune éclaire la rue déserte. Juste devant un immeuble crasseux et déjà à moitié en ruine se tiennent deux silhouettes, une grande et une minuscule portant avec peine une malle pleine à craquer. La petite est littéralement agrippée au bras du jeune homme. Le silence, trop pesant, est brisé.
- Tiens-toi prête.
La voix est suave, caressante, mais le ton, lui, est glacial. Une autre voix, petite et tremblante, se fait entendre.
- C’est bon.
En une fraction de seconde, les deux silhouettes ont disparu. Matthias, Tom et Dave osent enfin passer la tête par la fenêtre cassée de l’immeuble voisin, inhabité, celui-là, dans lequel ils étaient tranquillement en train de fumer un bon petit joint. Ils se regardent sans comprendre, ça doit être une hallucination à cause de la substance illicite qu’ils étaient en train de faire brûler.
- Ptain dsa race, j’ai grave eu les pétoches, un moment… Jeff y mdisait qu’on voit des meufs à poil, tu parles, c’est dla daube son truc.
Pas la moindre étoile ne parvient à percer le plafond de nuages noirs que je vois en ouvrant les yeux. Le village de Pré-au-Lard s’étend devant moi, et j’aperçois Poudlard, perché en haut de sa falaise, toutes fenêtres allumées. La poigne de mon frère se desserre, je sens mon sang couler à nouveau dans mon bras. Je le lâche, moi aussi. Je ne dis rien, je n’ai rien à dire. Ce qu’il s’est passé, il le sait, et il le comprend. Il y a encore quelques jours, il me regardait comme un déchet, mais depuis ce midi, j’ai l’impression qu’il m’estime plus, qu’il commence à me considérer comme digne d’être sa sœur. Je sais que je n’arriverai jamais à son niveau, pour cela, il aurait fallu que je me soumette totalement et que je parte à Durmstrang. Et encore… Mais j’ai choisi ma voie, ce n’est pas maintenant que je vais changer d’avis.
- Je trouverai sans doute un travail dans les environs, il est possible que nous nous voyions bientôt. Et n’oublie pas que si tu décides de ne pas respecter notre accord, je le saurais.
- Je m’en souviendrai, Amine…
- Au revoir, petite sœur.
Je n’ai pas le temps de lui répondre, il a déjà disparu. Le ciel gronde. Il commence à pleuvoir. Tant mieux, ça va dissimuler les larmes qui commencent déjà à couler sur mes joues. Je traîne ma malle horriblement lourde sur le chemin escarpé (et pentu) qui mène à l’école, sous une pluie toujours plus coriace, et des éclairs toujours plus menaçants. Le banquet doit être bientôt terminé, je pense. J’arriverai juste avant que tout le monde aille se coucher, si j’ai de la chance. Pendant le discours de Mrs Plumard. J’ai faim, j’ai sommeil, j’ai mal aux jambes et aux bras, j’ai froid. J’en ai déjà marre alors que je n’ai marché que vingt mètres. Ma volonté a des failles. Je vais arriver là bas avec une humeur massacrante, gare au boulet qui se trouvera sur mon chemin à ce moment là…